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"Suce-Canelle ou les trois faubouriennes" roman comique de Léon et Frantz Beauvallet et Saint-Vrin
Illustrations de J-B Humbert et F. Vintraut

cliquez sur les images pour les voir en entier ou en plus grand (ouverture en pop-up)

 Voici un roman de la fin du XIXème siècle (non daté, 320 pages format 21 x 29,7 cm) écrit par Léon et Frantz Beauvallet et Saint-Vrin et édité par "Les Romans comiques" Paris 43, rue du Four St-Germain et Bordeaux 22, rue Guiraude.

Suce-Canelle est le nom du héros, ce nom n'a pas de rapport avec la cannelle (l'épice, avec deux n) mais il reprend une expression argotique désignant un ivrogne (sans doute un lien, par contre, avec canette, l'ancienne mesure de volume de bière)

Le texte mentionne quelques instruments, repris dans les illustrations de J-B Humbert et F. Vintraut (signatures mentionnées sur les gravures, ces deux noms, vraisemblablement le dessinateur et le graveur, n'étant pas mentionnés en page de couverture ou de garde.

En bas à gauche de cette couverture, nous voyons l'un des personnages principaux de ce roman "Mayeux la musique" qui est présenté ainsi : "Sous l'un des bras, deux cymbales; sous l'autre un violon. Accrochée à la boutonnière béante de son habit vert pomme dont les basques caressent ses bottines éculées, une énorme clarinette... Enfin, sur la tête, couronnée par de longs cheveux filasse, un chapeau hors d'âge dont la forme indécise rappelle vaguement le soufflet d'un accordéon."

Il sera présent sur les gravures tout au long de l'ouvrage, la clarinette plus ou moins stylisée selon les gravures mais jamais très réaliste..


Nous retrouvons violon et clarinette sur cette petite frise, représentée deux fois dans l'ouvrage pour agrémenter les fins de chapitre (au même titre que celle présentée en haut de la présente page, que les trois anges ou que le trophée ci-dessous)

Cette frise est clairement inspirée d'enluminures médiévales (ou de gravures allemandes de la renaissance). Pourquoi ce violon bizarrement tenu sur l'épaule ? Tout simplement parce que le musicien reproduit ainsi la silhouette des joueurs de cornemuse présents sur ces enluminures, le manche du violon prenant la place du bourdon de la cornemuse

Un autre personnage est présenté ainsi :

"- Vous connaissez mon filleul ? lui dit la brave femme

- Très peu !

- Eh bien ! il a, depuis quinze jou des accès de fièvre chaude !

- il est peut-être enrgagé ?

- Oui enragé d'amour pour une jeune fille, une rosière !

(...)

- Il l'a rencontré dernièrement, lui a dit qu'il en était devenu tout bête, tant il l'estimait. Elle lui a répondu qu'elle en aimait un autre !...

- Mon ami Armand ?

- Tout juste !... Et bien ! mon pauvre filleul est comme fou, poursuivit la crémière en pleurnichant. Il avait appris à jouer du basson....

- Quel rapport cela a-t-il avec sa folie ?

- Un très grand; car depuis deux semaines il en joue toutes les nuits !...

-Ca c'est dur !

- Il dit qu'il est l'ombre d'un grand musicien et qu'il va aller sur un nuage jouer du basson à mam'elle Aurélie !

- Pauvre fille ! gémit Suce-Canelle.

Des accords, plutôt discordants qu'harmonieux, retentirent alors.

L'entendez vous ?... fit la veuve Chantoiseau.

-Oui, oui ! il taquine son petit instrument ! Quelle drôle d'occupation pour un crémier !...

Le jeune Rossignol apparut.

Il tenait entre les lèvres l'embouchure de son basson, ce qui lui gonflait étonnamment les joues et il tentait de jouer le grand air de Lucie."

S'il s'agit d'un basson au sens où on l'entend aujourd'hui, c'est l'anche et non l'embouchure (confusion fréquente de vocabulaire), que l'apprenti musicien tient entre ses lèvres. Par contre, les gravures montrent un instrument qui ressemble davantage à un ophicléïde, c'est à dire un instrument métallique, de large diamètre, muni de trous fermés par des clefs et dont le son est produit par une embouchure type embouchure de cuivre. (sur la première gravure, il est plutôt muni d'un bec à anche simple, ce qui l'assimilerait davantage à un saxophone, mais les deux gravures suivantes montrent une position de jeu qui n'est pas celle du saxophone mais bien celle de l'ophicléïde, un instrument qui disparaîtra justement avec le succès des saxhorns, tubas et des saxophones...). Le dessinateur a-t-il eu en tête le "basson russe" qui est un instrument de la même famille que les ophicléïdes ?

 

Deux gravures, enfin, on trait à la danse. La première est une scène de bal et on y exécute "Le pas de la langouste orageuse" comme rappelé sous la gravure (cliquez sur la petite image ci-dessous pour en avoir un aperçu) :

"Sosthène se trouvait près du clavecin, dont on avait relevé le couvercle pour donner plus de sonorité. Notre bohême ne pouvant avoir raison des petits fours que l'on avait servi, jetait tous ceux qu'il avait pris la boîte de l'instrument.

Puis, tout d'un coup, agacé des mazurkas et des valses :

-Je vous en prie, s'exclama-t-il, jouez-nous, quelquechose de gai, un quadrille par exemple !

Tout le monde fut de son avis.

Le quadrille fut voté : la demoiselle aux longs bras écorcha celui des cloches de Corneville.

Les danseurs se placèrent, et Suce-Canelle qui, avec Mme Dufournet, faisait vis-à-vis à Armand et Cécile, commença à gigoter de telle façon que tous, peu à peu, furent entraînés.

- Attention !, le grand pas à la mode... un pas de circonstance... La langouste orageuse.

Il offrit alors à la société ébahie, un cavalier seul à détroner touts les chicards passés.

Les cheveux au vent, les bras ballants, il fit de tels bonds,; qu'il s'en alla butter dans le tabouret de la demoiselle maigre, qui, lâchant le piano, vint s'abattre sur le plancher en poussant des cris affreux."

Remarquons, outre l'éthymologie de l'expression cavalier-seul issu du monde de la danse et non de celle du cheval, le fait que le clavecin du début du texte, se révèle finalement être, de manière plus réaliste, un piano...

La seconde image de danse et celle d'une noce qui n'est pas sans rappeler les noces flamandes (y compris la cruche au premier plan à terre), elle est menée par un violon et une trompette visibles à l'arrière plan :


Trophée avec instruments du peintre (la profession de Suce-Canelle" et de musique à vent.

 



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